12 octobre 2019 - Aux alentours de 16h

Ghost de Jeremy Messersmith résonne dans le square Louis Marjorelle et une petite foule composée d’adolescents, de vieux et de parents accompagnés de leur mioches-la-morve-au-nez, s’est regroupée autour de Jean qui, assis sur les marches de béton gris,  irradie sous les paroles de la chanson et l’air de son ukulélé, ravi d’avoir trouvé son public même dans ce coin un peu perdu de la capitale .

De tous les jardins de Paname, le square de la rue Forge Royale n’est en effet pas un des plus passants et rentables financièrement mais pour l’homme modeste,  le calme arborée de la vie de quartier est plus agréable que les allers et venus des touristes.
Il y a aussi ce plaisir de pouvoir toucher chacun, de ne pas être élitiste dans le choix de lieu et pour cela, cet après-midi ensoleillé d’été indien est plutôt réussi, les morceaux s’enchainant, paisibles et joyeux.

Rien ne vient gâter ce portrait d’Eden jusqu’à ce qu’une figure patibulaire assombrit son champ de vision périphérique.

Face à lui, un homme, nerveux, à l’allure noueuse et voûtée, déjà fanée, fait des allers retours de charognard prudent .
Jean le sent prêt à bondir sur lui mais l’ignore et le manège continue ainsi plusieurs minutes avant que la figure sinistre, enfin l’apostrophe .

« Les jeunes d'aujourd'hui, ils savent plus quoi inventer pour rien foutre de leurs temps. »

Les mots, l’intonation, Jean n’a pas encore relevé le regard pour détailler son vis-à-vis qu’il sait déjà que c’est un vieux con, de ceux qui ont oubliés qu’ils ont été jeunes un jour et on fait macérer en leur coeur tant de rancoeur que tout chez eux suinte le venin, l’usure, la poussière et  la méchanceté.

Le musicien arrête son art, lève son regard et à l’instant même où il aperçoit distinctement les traits de son invité, son hypothése se révèle juste. Tout ça, le bonhomme, le porte sur lui, comme une signature .

Ça amuse Jean de voir ce stéréotype, attise sa curiosité quand il sent l’aura diluée des mythes entourant l’homme . Grumpy guy fait partie de son monde, ou tout du moins en partie. C’est un sang-mêlé ou un mythe presque éteint à n’en pas douter .
Le pauvre chou, grognon de n’être presque rien.

Jean, en aurait presque pitié mais l’envie de le taquiner recouvre la compassion et un sourire amusé s’esquisse sur ses lèvres, son regard très bleu se pose sur celui plus sombre de l’homme.  

“ J’ai tout le temps qu’il me faut en illimité  à dire vrai…”

Si l’autre ne sent pas son aura christique à présent, Jean ne peut plus rien pour lui.

“Et puis,  “jeunes ?” En es-tu bien sur, Papy, fils de... ”

Il s’interrompt, cherche parmi les mythes qu’il connait et à qui l’homme pourrait s'affilier .  

“Scrooge ? ”

Le gars n’est définitivement pas baisant. Il n’y a pas la moindre once de sympathie chez lui mais cela amuse Jean . Il a l’habitude, fréquente au quotidien des Grincheux de sa trempe, a toujours à leur encontre une petite pique bien sentie.
C’est alors une guéguerre stérile. Les vieux se fâchent, irrités et le musicien rit . Ils ne supportent pas son insolence et avec ses deads et sa gueule de babos, ils le pensent cons, finissent par se détourner sous une menace tellement mauvaise qu’elle en devient affligeante.

Les innocents fascistes … S’ils savaient à quel point c’est grâce à eux qu’il vit si bien en mythe tout puissant…

Jean sourit. Ses grincheux, il les aime viscéralement et c’est avec un sourire discret mais réel qu’il accueille les réflexions d’Yvan, répond un petit “ Ukulélé” quand le quinqua’ parle de “guitare” .
Vraiment touchant ce désintérêt et ce manque de culture populaire . Vraiment divertissant cette tentative de deviner en sous-marin de quel mythe il vient.
Jean est bon joueur néanmoins. Il se prend au jeu, se met à son tour à parler en demi-mystère.

“Peter Pan ? Ah non, désolé, je ne touche pas aux enfants moi…”


Humour grinçant quand on sait qu’un nombre important de déviants parmi ses représentants sont portés sur la chose.


“Mais j’aime bien avoir mes disciples c’est vrai… Un petit groupe de douze moi y compris, c’est bien… Treize c’est trop. D’ailleurs… Combien sommes-nous ?”

Du bout de son index, il commence à compter le nombre de visages autour de lui.

“Avec moi 1…
2..3...4
5...6...7
8...9...10
11… 12...”

Il s'arrête une fraction de seconde, pointe du doigt Yvan juste à côté de lui.

“Et de 13…”

Il grimace, théâtrale, tord sa bouche, laisse ses lèvres retomber en une moue désolée, hausse les épaules d’impuissance…

“Pas de chance pour vous… Vous devriez partir, je n’aimerai pas que vous me jouez une Cène. La dernière à laquelle j’ai assisté s’est plutôt mal terminée…”

Il en rajoute une couche, au cas où le gars est vraiment con, ne s'arrête toujours pas, pris à son propre jeu d’en faire toujours plus.

“Mais je finis bientôt, si vous ne comptez pas me dénoncer aux autorités, nous pouvons parler après pour régler nos différends . Je vous offre le vin lors d’un repas si vous le voulez . ”

Il sourit à l’homme avec fausseté, s’en détourne, étire ses lèvres plus sincèrement à la petite foule interloquée ayant suivi sans rien comprendre cet étrange échange .

“Veuillez m’excuser, reprenons ! We All Do Better When We All Do Better de Jeremy Messersmith ”

L’air monte, joyeux et léger comme un hymne hippie . Les personnes frappent en rythme, entraînés par la musique .
Le moment est beau.
M.Scrooge et sa mauvaise humeur peuvent bien attendre.

Du gin ?
Sérieusement ?
Qui de nos jours buvait encore ça sans se prendre pour une figure mystérieuse, froide ou dépressive, tout droit sortie d’une fiction des années 50 ?

Papy, quand il dit “je préfére le gin”, se voit-il ainsi, faisant tourner l’alcool dans son verre avant de le boire du bout des lèvres, par petites gorgées sous un fond de saxophone jazz ?
S’imagine t-il dans un bar aux lumières tamisées avec à son côté, une bellle ou un ennemi, pris dans une conversation à demi-mots ?
Ne se figure-il pas plutôt comme cet homme solitaire qui boit pour oublier, tenant son verre par le haut d’une main molle ? Peut-être même se perçoit-il comme cette âme endurcie que rien n’ebranle et qui boit son verre d’un coup sans grimacer alors que l’alcool brûle sa gorge.

Qui est l’Yvan au gin ?
C’est à ça que Jean pense quand Yvan le salue et que, plus tard, il arrête de chanter, range son ukulele, marche le pas décontracté et les mains dans les poches pour se diriger vers la boutique du cinquantenaire.

Qui est Yvan qui fume-là, devant ce qui doit être sa boutique, la clope au bec et l’air morose, un pigeon pas farouche à ses pieds ?

Jean s’approche, lève la main pour le saluer .

“Yeah, me voici comme promis ! Ravi que tu ne m’ais pas judacer ”.

Il rigole en un soupir, amusé.

“Tu veux qu’on discute dans ta boutique ou à un café ?”

Il jette un regard à la devanture, aux objets désuets, entassés et poussiéreux derrière, au bordel intérieur.
A l’écriture qui forme le mot “Antiquaire” sur la vitrine aussi, imprimée avec ce qui ressemble à la police Vivaldi de windows.
Plus classique et ennuyeux tu meurs. Très boomer élitiste n’aimant que des trucs chiants.
Très ce que laisse transparaître le propriétaire du lieu.

“Antiquaire… ça te va bien. “

Un vieux truc désuet, une relique du passé parmi d’autres.
Peut-être néanmoins y a-il de l’or sous la patine du temps.
Jean ne le sait pas encore .
Peut-être sera-il surpris .
Peut-être apprendra-il à aimer le gin.
Avec ou sans rondelle de citron.

Le vieux doit être un peu barjot . Il grogne tout seul, marmonne des mots entre
ses dents à l’attention de personne .
Ça n'étonne pas Jean pour autant. Les cons aigris finissent tous ainsi, à se râler à eux-même, à insulter le vide, à rejeter sur l’intangible tous leurs ennuis . Ils n’ont pas le choix, les pauvres n’ont pas d’amis à qui parler… Tous ont fui.

A moins que…

A moins que le vieil antiquaire parle au pigeon perché plus haut et qui, impertinent, roucoule sous les marmonnements .  

Jean y pense, le gars a déjà fait ça tout à l’heure au parc et parler le langage des pigeons quand l’on est un parisien troufion n’a rien de déconnant .
Il faudra qu’il lui demande tout à l’heure, une fois installé, dans, ce qui semble être de l’extérieur le Versailles des acariens.

De ce que s’est d’ailleurs réellement à l’intérieur quand à la suite de l’homme, Jean entre, un fin sourire de curiosité et d’amusement sur les lèvres .

C’est un sacré foutoir de bric et de broc  là-dedans. Tout est mat de poussière et l’endroit, avec ses différents relents de cigarettes, d’encens et d’humidité, sent le caveau d’un mort du cancer de la gorge .

C’est tout à fait passionnant et en dit long sur son hôte qui, d’une amabilité douteuse, lui propose un gin .

Jean grimace intérieurement mais accepte . Si l’alcool est à l’image du lieu, cela risque d’être une sacré expérience, de celles qu’il ne faut pas rater de son vivant .

“ Va pour le Gin ! On m’a toujours dit que ça stimulait le systéme immunitaire”

Mytho pour la vanne et grand sourire avant de rembrayer .

“ Et ouais hippie et rhéteur c’est un peu une vocation quand on est le mythe de Jésus. Mais tu peux m'appeler Jean . J’ai plus l’habitude à présent.”

De porter le nom de l’Ami d’Hier sur le cœur, comme un hommage .

“Et je suis venu car j’ai cru que tu voulais parler et vu que j’aime bien papoter, pourquoi pas ? “

Il lève à son tour ses épaules d’indifférence sans perdre de sa superbe .

“Et toi c’est quoi ton petit nom ? Et ça fait quoi d’être uniquement perçu comme le fils d’un illustre ? ”

Jean, sur cette question, en connaît un bout. Sauf que lui, à l’opposé de Papy, a su être reconnu, partiellement se séparer de sa matrice .

Distrait par l'hétérocité de biens de la boutique , il ne porte que peu d’attention au fait qu’Yvan lui répond et remplit son verre d’alcool,  jette un énième regard autour de lui, fasciné par chaque objet .
Ce bordel, ce cynisme, cette gueule de deterrée, ça lui dit quelque chose …
Il réfléchit puis c’est l’illumination .

“Oh !”

Il se retourne vers son hôte, pointe Yvan du doigt, ravi.

“Je sais qui est ton paternel ! C’est Diogène ! ”

Aussitôt la révélation balancée qu’il fronce les sourcils, incertain de sa réponse.
Non mais qu’il est con, ça ne doit pas être cela, sinon, ça serait aux chiens qu’Yvan parlerait, pas aux pigeons.

Papy est un sujet intéressant à observer.
Il est empli de vie malgré son allure décrépie et, semblable à une carcasse animée par des vers, pleins de choses fourmillent et s’expriment à la surface de son être.  

Là un grommellement au coin des lèvres, ici un froncement de sourcils, plus tard un regard désabusé et un geste désarticulé de la main.

Tout est authentiquement vieux et croulant chez lui et Jean, face à cette œuvre sociale, à ce bijou de vieux con, s’émerveille et s’amuse, attentif à chaque détail.

Il pense ne pas pouvoir être davantage fasciné par cet homme quand la révélation finale sur la filiation du vieux tombe : “je suis le fils d'Abraham Van Hellsing”

Un “oh” étonné échappe à Jésus et ses yeux se mettent à briller davantage de curiosité . Le prophète s’attendait à beaucoup de noms mais celui-là ne lui serait jamais venu même si on avait mis Papy grumpy à côté d’un chapelet de gousses d’ail.

“Au teint, Dracula me serait d’avantage venu, j’vais pas te mentir. Santé au vieux Van Hellsing alors !”

D’un geste enjoué, il tend son verre à son tour et boit cul-sec le gin pour célébrer la nouvelle, se racle la gorge et grimace, étouffe une quinte de toux sèche quand l’alcool  brûle tout sur son passager.
Il sourit de souffrance, remue la main pour se donner une contenance.

“Pffiouu, costaud ton gin papy… il est à combien ?”

A trop déjà pour lui qui ne boit que du vin ou de la bière dégueulasse .
25°, en alcool comme en météo, c’est le grand maximum.
Jesus est un babtou vivant en milieu tempéré.

Pour ça, entre autres qu’il aime autant Paris, la ville lumière qui vient au centre de la conversation .

Jean  repose le verre de Gin sur la table, baille sans manière et s’étire en bombant le torse, comme un chat .

“Et ce que je fais sur Paris… C’est une vaste question … Je m’amuse à emmerder mon père, je vis en colloc avec Lucifer pour lui apprendre à aimer son prochain de façon désintéressée, je bois des bières et je fume des joints avec des sdfs, je joue de la musique et je fais quelques miracles par-ci par-là…”

Il s’appuie davantage contre le dossier du siège qui grince sous la sollicitation et croise les bras à l’arrière de sa tête.

“La vie quoi ! Je pourrais faire cela ailleurs mais Paris est la ville des mythes et j’ai ma famille ici après tout ! “

On ne reste jamais bien loin de ceux qu’on aime .

“Mais parle-moi d’avantage de toi ! “

Il se redresse, pose ses coudes sur la table avec fracas en faisant trembler le verre vide, appuie sa tête contre ses paumes.
Il bat des cils, étire ses lèvres à leur paroxysme, étrangement heureux .

“Tu m’as rendu grave curieux ! Raconte-moi tout ! Tu comprends ce pigeon ?”  Il pointe Jean-Pierre du doigt “T’as quoi comme pouvoir ? Et tu chasses des vampires comme ton paternel ? Il est où le vieux d’ailleurs? ”  

L’excitation puérile vibre dans sa voie.

Viens, j’ai une idée, on va faire un jeu ! On se pose chacun une question ! Genre… Vérité ou vérité !! J’ai plein de dossiers sur Luci et l’Daron !!! ”

Il rigole, nerveusement, sent son nez lui chatouiller .

Putain qu’il est joyeux… Ce gin était vraiment une bonne cuvée.

C’est au tour d’Yvan de parler de lui.
Jean est impatient de découvrir tout ce qu’il y a à savoir sur cet étrange homme mais se trouve vite déçu quand l’antiquaire ouvre la bouche, expédie la chose en des phrases succinctes sans fantaisie ni mots inutiles, la réponse semblable en tout point à la présentation morne d’un élève désabusé en début d’année.

Quel gachi alors que la base est pourtant intéressante, soulève mille choses à développer qui aurait pu rendre le récit cocasse et passionnant .

Ca ne vaut pas plus qu’un 6/20 et Jésus s’en désole une demie seconde avant que la question d’Yvan à son égard vienne lui changer les idées .

”Tu es en colocation avec Lucifer, pourquoi ? C'est pour le torturer sous couvert de bonnes actions et d'amour de son prochain ?”

Il pouffe de surprise et d’amusement mêlés.
Celle-là, franchement il ne l’a pas vu venir alors même que l’idée n’est pas si absurde et qu’en effet,  faire de Lucifer un bénévole du bien, a quelque chose de définitivement sado-masochiste.

Jésus se redresse, secoue sa tête en signe de négation.

“Non non ! Nous nous apprécions sincèrement ! Beaucoup de vieux mythes peuvent se détacher de leur matrice et Luci' en fait partie. Il n'est clairement pas parfait mais il change.”

Plus que ce dernier veut bien le reconnaître . Plus que ce que Jean a pu imaginer.
Pour le meilleur… grâce au Pire.

“Les deux grandes guerres l'ont rendu bien plus humain qu'avant… tout ça… même pour lui c'était… trop. “

D'horreurs de massacres de pleurs de détresse de chair de haine de morts.

Jésus aussi avait assisté à ce grand cauchemar éveillé.
Il était mort dans les tranchées, avait été fusillé pour résistance .
La douleur même était encore parfois présente, impossible à oublier.
Son sourire se voile un instant sous le souvenir et éclot de nouveau la seconde d’après, plus réservé.

"Et pour la colloc c'est juste qu'il vit seul dans un appart beaucoup trop grand et que je n'en ai pas. Je donne à des sdfs quasi tout l'argent que j'gagne dans la rue et même sans ça, j’ pourrais pas me payer une place de parking pour y mettre mon carton. Paris c'est beau mais c'est cheros…

Il hausse les épaules, fait une petite moue.

"Du coup il me crèche gratos et je lui tiens compagnie en échange. Ça n'a pas toujours été le cas mais on s'apprécie vraiment beaucoup maintenant… Enfin…"

Il soupire longuement, craque ses phalanges entre elles .

"Revenons-en à toi ! D'où te vient ton pouvoir de parler aux pigeons ? Je fais pas trop le lien avec ton vieux… et euhhh… "

Il réfléchit, la pensée volage, insatiable, alcoolisée :

"Tu m’as pas dit pour ton vieux ! T’as des nouvelles ? J’veux tout savoir en détail ! Fais-nous ton frère Grimm ! ”

Drift Away, Steven Universe

Il n’y a pour ainsi dire qu’une seule couleur chez Yvan : celle de l’atonie, teintée de sarcasme et d’une désillusion en l’existence si importante que tout chez lui est repeint en un camaïeu de gris .

Gris ennui, gris poussière, gris cendre, gris délavé, gris vieilli, gris maladif. Dès qu’Yvan frôle quelque chose, celle-ci perd toute couleur à croire que le quinquagénaire est le Midas des parisiens sans saveur.

C’est une triste conclusion que Jean est obligé d’accepter et que même l'euphorie de l’alcool ne peut pas masquer.

Yvan est gris comme un vieux con, Jean-Pierre est gris comme un pigeon et Jesus espère que l’animal est moins dépressif que le bonhomme.

Il soupire, retourne s’affaler sur la table, la tête sur ses bras croisés, un œil levé vers son interlocuteur.

“Ta malédiction est drôle et ton Gin rend joyeux mais tu n’as vraiment aucun talent de conteur toi… T’es sous prozac pour être aussi…” il baille la bouche grande ouverte sans aucun geste ni formulation de politesse, contaminé par l’ennui-gris “ atone? J’veux dire… On dirait qu’on t’a enlevé toute joie de vivre et tu le transpires tellement que j'ai même pas besoin de lire ton coeur pour le savoir… ”

Aucune de ses ouailles, pas même un antiquaire aigri, ne devrait vivre privé de l’allégresse d’un bonheur simple .
C’est une chose insupportable à l’âme de celui qui vit pour autrui, trouve son épanouissement dans celui de son prochain.
C’est pour cela qu’il joue et chante chaque jour dans la rue et sur les quais des métros. Pour cet espoir, ces sourires et ces histoires que les autres lui partagent après une chanson .

C’est pour connaître la lueur brillant au plus profond du cœur d’Yvan qu’il a passé la porte de ce lieu sans couleurs et qu’ils se sont assis, face à face, les langues déliées par l’alcool.

Jean se redresse et sa voix se fait plus douce et sérieuse, presque apaisante.

“Je te propose qu’on change un peu les règles du jeu et qu’on se pose des questions sur ce qui fait qui nous sommes, sans fard. Je commence…”

Il dresse devant lui un doigt pour intimer à l’homme de ne rien rétorquer tout de suite.

“Pourquoi t’es un mec triste Yvan ? Essaye pas de me mytho en me disant que tout va bien, ce sont des choses que je sens. ”