▬ Dans la nuit drapée de ses néons, enivrée par la jeunesse et dansant au rythme des claquements de talons et éclats de rire, la bouche de métro dégobille un groupe de jeunes hommes bruyants et festifs.

Bo ne sait plus exactement pourquoi il rit. Comme pour le reste, ce soir, il se laisse entraîner. On lui passe un bras autour des épaules. On lui ébouriffe les cheveux. Le goulot d’une bouteille trouve ses lèvres et déverse un liquide amer et brûlant sur sa langue. Il passe près de s’étouffer, mais ne le fait véritablement qu’une fois inhalées des vapeurs d’autres substances.

Ils entrent dans un bâtiment sombre dépourvu de fenêtres. Une musique au rythme lourd fait vibrer les murs.

Un premier clignement de paupières et le voilà installé sur une banquette. Un deuxième et la table est recouverte de shooters. Un troisième et sa main tient celle froide et fine d’une femme à la tenue quasiment aussi légère que du vent. Un quatrième et les projecteurs lui font face. Sa ravisseuse doit être magicienne. Elle a fait disparaître son t-shirt. Il met une seconde de trop à comprendre.
« Bonne fête, mon beau… »
Tandis qu’elle empoigne sa partenaire métallique, la barre, la danseuse se dit que son spectateur VIP a une jolie mais drôle de tête. Comme un gamin qui ne parvient pas entièrement à se laisser aller à grandir.

Oh...
Trois petits points au cours desquels Bo déglutit difficilement et se sent rajeunir et rapetisser, misérable sur sa petite chaise au milieu de la scène à profiter d’un spectacle dont il ne profite, à vrai dire, pas.
Et puis merde.
Et puis quoi. En bon gentilhomme, Bo se lève. Il ne laissera pas la danseuse se taper tout le travail toute seule.

Du confort de leur banquette, les membres de la bande de gaillards passent du rire à la stupéfaction. Il a du cran ou il est fou? Ce grand garçon athlétique, comme eux, ils rêvent ou il se trémousse, là? Est-ce qu’il a la moindre idée du prix qu’ils ont payé pour lui offrir ce show? À ce rythme, c’est le club qui leur devra de l’argent. Où est passée sa fierté de mâle, son orgueil mal placé, son bon sens!? Il y prend plaisir, en plus, cet inconscient… Comme eux, tout autour, ces idiots qui se font prendre au jeu et qui se divertissent devant les pirouettes de ce svelte imposteur à la charpente nerveuse.

Au bout de ce qu’il leur semble être une éternité, Bo redescend de scène, léger, son t-shirt sur l’épaule et le jean lâche sur ses hanches. Il est tout sourire derrière sa frange trop longue et dans ses vieilles baskets d’adolescent. Sans s’en douter, il doit enjamber un fossé pour rejoindre ses camarades. Ils l’ont démasqué. Ils ont ouvert les yeux.
Ils n’en diront rien mais dans leurs silences et leurs rires forcés, il l’entendra : la triste réalisation qu’ils n’appartiennent pas au même monde. Que sa pauvreté est héréditaire; qu’il n’a pas vraiment peur du ridicule, en fait; qu’il ne se trouve pas cool, non, pas vraiment; qu’il aime sincèrement sa famille, lui; qu’il ne prenait les sports étudiants au sérieux que dans la mesure où il en récoltait l’illusion d’amis en retour; qu’il préfère de loin se donner en spectacle que de regarder une femme danser pour lui.

Quand un type vient lui tapoter l’épaule afin de lui offrir un verre, Bo accepte. Éventuellement, la porte du bar se referme sur ses amis et avec eux, le chapitre de l’adolescence, puisque voici venir l’âge « adulte », ou une tentative de.

▬ Quel est l'endroit où tu te sens le mieux?
Seul dans un studio de danse.
Quelle est la meilleure façon de commencer la journée ?
Réveillé par l’odeur du déjeuner et les cris de mes sœurs qui jouent.
Quel âge voudrais-tu avoir en permanence ?
7 ans.
Pour quelle chose vaut-il la peine de dépenser davantage d’argent ?
Les cadeaux d’anniversaire.
Quel est ton vêtement préféré ?
Un bon vieux jean bien assoupli par le temps.
Quelle est la chose la plus impressionnante que tu sais faire ?
Danser toute la nuit. Sérieusement.
Où est-ce que tu vas lorsque tu as du temps libre ?
Chez ma grand-mère.
Quand est-ce que tu te sens vraiment “vivant” ?
Devant un androïde. Plus encore s’il est amoché.
Quel serait ton animal spirituel ?
Ma grand-mère dirait "la loutre"...
Quelle est ton odeur préférée ?
Celle de certaines nuques.
Dans ton groupe d’amis, quel rôle joues-tu ?
Un genre de boute-en-train un peu marginal.
Quel est le titre du chapitre actuel de ta vie ?
Make it rain!
À quoi es-tu accro ?
Le rush d’adrénaline et le petit vertige avant de monter sur scène.
Quel mensonge racontes-tu le plus souvent ?
« Je sais ce que je veux. »

▬ Aie, aie, aie.
Allez, courage. Courage, Bo. Vas-y, tu peux y arriver. Tu n’es pas mort, Bo. Pas encore. Pas tout de suite. BO!

Lourd, las, les méninges lancinantes et la bouche aussi aride qu’un îlot de chaleur en juillet, Bo gémit sous l’édredon, étendu à plat ventre sur un matelas difforme posé à même le sol de la chambre. Sa main émerge et tâte le plancher jusqu’à trouver le pantalon de la veille. Dans la poche arrière droite se terre un sachet qu’il saisit entre ses doigts et ramène sous la couette. Le petit comprimé rose fond rapidement sur sa langue et bientôt, Bo se sent la tête moins brumeuse et le corps plus apte à tenter la position verticale.
Il revêt une chemise à carreaux sur son marcel et enfile un jean troué dont il noue la ceinture en enjambant les corps endormis de ses petites sœurs. Il est trop tôt pour être vivant, songe-t-il, mais le devoir l’appelle. Ce matin, c’est jour de livraison. Les courges sont attendues en ville. Il aurait préféré se faire tirer tresser les cheveux par de petites mains ou encore jouer les montures à quatre pattes dans l’herbe. Le sourire de sa mère lorsqu’il entre dans la cuisine et la façon dont elle vient cueillir ses joues au creux de ses mains le consolent un peu.

« Merci, mon grand. »

Il la serre dans ses bras, l’embrasse sur le front et sort. Son père l’attend dans la camionnette. Ils prennent la route en silence, fenêtres baissées, les crinières au vent, complices dans leur économie de mots. Le véhicule s’immobilise près d’une heure plus tard à l’arrière d’un entrepôt. Les courges stationneront ici le temps d’être distribuées aux quatre coins de la ville. Une fois la marchandise déchargée, les deux hommes s’adossent contre le petit camion. Le père sort un sac de baies et déballe des lanières de viande séchée. Ils partagent ce repas sur le pouce.

Est-ce qu’une forêt peut pousser dans une serre?
Ne laissant paraître aucun signe d’étonnement devant la question, le plus âgé des deux prend le temps d’avaler quelques baies avant de répondre.
« Est-ce qu’une serre peut contenir une forêt? Je suppose que ça dépend de l’âge de la forêt et de ceux qui l’habitent. Je suppose que oui. »
Sur ces mots, il remballe les restes et les tend à son fils.
« Fais attention à toi, mon gars. »

Une accolade bien sentie et il est reparti. Bo range son butin dans une poche à l’intérieur de sa chemise et se dirige vers la bouche de métro la plus proche. Durant le trajet, il polit mentalement le plan de sa serre imaginaire. Celle qu’il construira un jour près de chez sa grand-mère, perdue au large dans le grand vert de la réserve de Kitigan Zibi. Elle sera immense et pourra abriter quelques maisons, des jardins et suffisamment d’arbres pour que des bêtes puissent s’y reproduire. Ils n’y manqueront de rien; fin du monde ou pas, ce sera un monde en soi, à part, où seuls les êtres vivants et invités pourront espérer y mettre le nez.

La tête appuyée contre la vitre, Bo ferme les yeux. Tout ce qu’il lui reste à faire maintenant, c’est de l’argent.


Il lisse une mèche brune entre ses doigts. Sa chemise l’attend sagement, posée près du système audio. La nuit dernière, il n’était pas lui-même, pas vraiment. Alors ainsi, debout devant la glace du studio de danse, il se recompose une identité;
De mouvements libres d’abord, doux et fluides à l’image de la musique qui les accompagnent. Bo se laisse porter par son corps qui sait quels chemins empruntés pour se dénouer. Mais ce ne sont pas ces tracés improvisés et ces courbes sans cadre qui lui rempliront les poches. À l’abandon succède un changement de ton et d’attitude. Le rythme se tonifie, Bo s’y vautre et en ressort moins léger, un soupçon d’arrogance au coin des yeux et le sex-appeal exacerbé. C’est un jeu auquel il se prête avec de plus en plus d’aisance et avec un plaisir assumé, du moins sans public. Si ce n’est lui-même, dont il croise le regard au détour d’une culbute.
Ce qu’il peut se prendre au sérieux!
Le numéro se clos sur un Bo qui s’écroule, pris d’un fou rire. Fou et peut-être un peu nerveux, aussi.

▬ Tu lisses une mèche noire entre tes doigts. Tes lunettes t’attendent sagement, posées près du lavabo. La nuit dernière, tu n’étais pas toi-même, pas vraiment. Alors ainsi, debout devant la glace de la salle de bain, tu te recomposes une identité. Tu n’as que quelques minutes avant que ton père t’avise que ton petit déjeuner est prêt. Une tranche de pain frais, blé entier, sans la croûte, recouverte de beurre d’arachide et de morceaux de fruits de saison, déposée au centre d’une assiette immaculée. À ses côtés, un généreux verre de lait. Il y a quelque chose de profondément réconfortant dans la routine, songes-tu. Mais d’abord : ce visage, ton visage. Que reste-t-il de Bo Moons, ce matin? Tu soupires et te masses les joues. Douces, imberbes et bien rondes comme ta petite tête de navet. Tu glisses tes longs cheveux derrière tes oreilles et t’examines de profil. Fronçant les sourcils, tu te demandes un instant si ce n’est pas pour cacher tes grandes oreilles décollées, que tu as adopté cette coiffure un peu… Féminine. Cette coiffure, ce chicot de nez et ces brins de lèvres, en arbore-t-elle de semblables? Tu sais que tu ne lui dois pas tes grands yeux verts ni nécessairement ta petitesse. Tu t’imagines que tu lui dois ton teint laiteux et ta menue carrure… Et souvent, tu te demandes si la puberté qui te guette effacera ou difformera ces traits, ces traces, de l’étrangère en toi, mais que tu chéris néanmoins.

Ton visage rincé, tes cheveux sagement peignés devant tes épaules et sur le haut de ton dos, tu enfiles tes lunettes et fais danser ton toupet d’un vif mouvement de tête. Ton père t’appelle. Tu prends tout juste le temps de dérouler les manches de ton pull et d’aligner ta ceinture bien droite sur ton jean avant de descendre.

Aujourd’hui, Marie et toi prendrez d’assaut les arcades et poursuivrez votre obstinée tentative d’atteindre le sommet du palmarès de Dance Dance Revolution. Ce matin, tu sens que la chance est de ton côté. C’est peut-être ton rêve qui t’habite encore. Le public survolté et l’assourdissante musique ont heureusement disparu, mais il te reste encore le doux sentiment d’abandon, le bercement énergique et cadencé d’un corps vigoureux et pleinement habité, mais tellement silencieux à la fois, sans la moindre pensée parasite, comme une transe.
Tu soupires. Tu aimerais pouvoir partager tes rêves avec Marie sans craindre qu’elle ne comprenne pas, mais tu n’y arrives pas.

Tu t’assieds devant ton assiette et bois une gorgée de lait.
« Bien dormi, mon Bobo? Pas fait trop de rêves bizarres? »
Tu avales une bouchée de pain. Beurre d’arachide et pommes, ce matin.
Ouais… J’ai rêvé que je dansais.
Tu roules des yeux intérieurement. Tu omets toujours tellement d’informations que c’est comme si tu ne disais rien. Mais c’est plus fort que toi.
« Toi! Danser!? »
Ton père éclate de rire et tu feins un sourire.

▬Quel est l'endroit où tu te sens le mieux?
Dans mon lit.
Quelle est la meilleure façon de commencer la journée ?
Réveillé par la chambre qui s’éclaire doucement, rideaux clos.
Quel âge voudrais-tu avoir en permanence ?
Environ 25 ans, je suppose.
Pour quelle chose vaut-il la peine de dépenser davantage d’argent ?
Une ronde de plus de Dance Dance Revolution.
Quel est ton vêtement préféré ?
L’hiver, mon foulard. Le reste du temps, mon chandail en cachemire noir.
Quelle est la chose la plus impressionnante que tu sais faire ?
Euh… Rien. Provoquer des rêves lucides, peut-être, je sais pas.
Où est-ce que tu vas lorsque tu as du temps libre ?
Aux arcades.
Quand est-ce que tu te sens vraiment “vivant” ?
Quand je rêve que je suis lui.
Quel serait ton animal spirituel ?
La petite nyctale, un petit hibou du Canada qui passe inaperçu.
Quelle est ton odeur préférée ?
C’est trop gênant. Ce n’est pas dégueu ou rien, seulement… Personnel.
Dans ton groupe d’amis, quel rôle joues-tu ?
Quel groupe d’amis?
Quel est le titre du chapitre actuel de ta vie ?
« Bon alors, il se passe quelque chose ou pas? »
À quoi es-tu accro ?
À me gratter les bobos.
Quel mensonge racontes-tu le plus souvent ?
Je vais bien. Tout va bien. Rien de nouveau.

▬ Paul est arrivé au beau milieu de la nuit par la cheminée. Tu es sorti de ta chambre en catimini, tu t’es accroupi en haut des escaliers et tu as tendu l’oreille. Ils ont parlé de divorce. De vérités cachées. De sentiment d’imposteur. Paul a dit : « je ne me comprends plus moi-même », « toutes ces années à me raconter des histoires », « en même temps, ça explique tellement de choses… » Et Jules, lui, a peu parlé. Mais c’est néanmoins par sa bouche que tout s’est éclairé : « Paul, tu veux dire que… T’es gai? »
Un hoquet de surprise t’a échappé. Tu as plaqué ta main sur tes lèvres avant de retourner sous tes draps à petits pas de course faire mine de dormir. Tu ne t’es pas vraiment rendormi.

Il devait être près de six heures lorsque tu t’es levé et as osé descendre au rez-de-chaussée. Ton père dormait à l’étage, mais Paul lui, était installé sur le canapé du salon. Tu as pris une banane et un yaourt à boire et tu t’es installé dans le fauteuil, face au canapé. Tout en te berçant lentement, ta banane d’une main et ton breuvage de l’autre, tu as attendu.

Sur le sofa, Paul devait dormir les genoux contre le ventre tant ses jambes sont longues. Ses cheveux sont bouclés, son visage est long et anguleux. À côté de ton père petit et rond, il a l’air d’un acteur américain. À la différence qu’il n’en a pas l’aisance et la superbe. Habituellement, c’est ton père qui rit fort et qui entraîne tout le monde avec lui. C’est lui aussi qui fait les présentations et qui raconte les meilleures anecdotes. Paul occupe l’espace davantage comme toi. Du point de vue du spectateur. C’est à l’abri de leurs regards qu’il semble le plus apprécier les autres. Et entre spectateurs, vous vous reconnaissez. C’est plus fort que toi, mais tu es heureux, vraiment, que Paul et son divorce soient couchés dans le salon de ta maison ce matin.
Tu termines de manger ta banane et de boire ton yaourt et Paul dort toujours. Tu te lèves, te rends à la cuisine et reviens les mains libres. Paul dort encore. Tu soupires, jettes un œil à l’horloge et te rassois dans le fauteuil.

Tu te réveilles recroquevillé comme un chat sur l’assise molletonnée. Tu te redresses lourdement et note que Paul n’est plus sur le canapé. Tes lunettes ne sont plus sur ton nez. On les a déposées sur la table basse devant toi. Un parfum de crêpes se prélasse dans l’air. Tu te lèves. La voix de ton père, mais aussi celle de Paul, te parviennent de la cuisine. Le ton est étonnamment joyeux. Tu sais ce qui t’attend. Ton père cerné mais fardé de sa bonne humeur des samedis matin, une joyeuse parade de crêpes qui virevoltent du poêlon à l'assiette et puis Paul, le sourire fatigué mais quand même. Paul qui te demandera comment tu vas, qui s’y intéressera pour de vrai, mais qui feindra si bien son intérêt quand tu lui parleras de Pokémon Red and Blue que même toi te laisseras prendre au jeu. Qui sait, à force d’y jouer, peut-être que le bonheur finira par s’installer pour de bon. Tu croises les doigts.

Bienvenue sur le fo Chacha !!! ça fait plaisir d'avoir une quebecoise !!!(?)
Tes pré-fiches sont efficace et n'ai donc pas de points particuliers à y poser . Je te les valide avec plaisir !
Je vais néanmoins te contacter par mp car j'aurai 2/3 questions qui peuvent toucher à du spoil krkrkr
Impatiente d'en savoir d'avantage en tout cas !

J'ai un peu tardé car j'étais occupée mais c'est avec plaisir que je te valide !
Tu as une jolie plume qui se lit facilement et le lien qui lie tes deux bouts et tout en douceur ! Je suis curieuse de voir comment ils vont évoluer !
N'hésite pas par ailleurs à rejoindre notre discord si tu le souhaites!
Très bon jeu à toi !

Bravo champion.ne, tu as passé la partie la plus difficile quand on commence avec un nouveau personnage !
Les informations concernant ton personnage rejoignent automatiquement les bottins.
Tu peux néanmoins nous décrire ton lieu d'habitation ou de travail ou nous proposer un prédefini/scénario [ICI] .
Si l'envie t'en vient, tu es libre également de créer ta fiche de liens et de rp [ICI]
Pour terminer, n'oublie pas de générer ta fiche de personnage sur ton profil et n'hésite pas à faire une demande de RP ou de liens spécifiques [ICI].

Bon jeu, bon flood et bienvenue à Espero !