IRL
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STATS
L’après-coup a l’effet d’une gifle en pleine face. Stéphanie la retrouve trempée jusqu’aux os parce que sa colocataire a préféré écourter son trajet en voiture, l’air devenant trop étouffant dans l’habitacle. Le chauffeur fut généreux en divisant par deux la note, il a baragouiné quelques mots où il lui disait qu’il la reconnaissait car elle était passée à la télé dans la soirée. Téva s’en est voulu d’être trop éteinte par la fatigue pour réagir comme il se devait. Elle n’avait plus assez de blagues dans sa manche ou d’extravagance faisant sa réputation pour s’extasier de cet instant de célébrité. Dans ses mains restaient alors deux billets donnés par Tyler et désormais enfoncés dans ses poches, ils portent la marque éphémère de ses doigts esquintés par la fusillade.
L’heure importe peu, une fois la porte fermée en douceur derrière elle - tout bruit brusque et un peu trop fort l’effrayait au plus haut point - Téva s’en va s’enfermer dans la salle de bain pour vomir les pommes mangées au pied du lit d’hôpital. Les mains de part et d’autre de la cuvette empêchent les mèches de tomber dans les toilettes. Elle n’est pas ébranlée par l’action, le regard vide sur le blanc des murs et son jogging trempé, en prenant appui pour se relever, elle est prise d’un vertige et s’arrête un moment pour permettre à sa tension de remonter.
La voix de son amie est entendue derrière les murs, cette intonation inquiète tue tout de suite, elle n’en peut plus des attentions compatissantes. Peut-être qu’elle a pas l’étoffe d’une starlette et de sa dose de fans qui irait avec. Tev se brosse les dents que par obligation, l’envie réelle lui manque et seule l’eau chaude lui procure une sensation de paix et de propreté. Le calme imaginaire du bruit de l’eau recouvrant les sons extérieurs. La télévision, les chansons des chaînes musicales, les voisins qui rentrent chez eux. Sa tête se relève et ses yeux s’ouvrent sous la pluie brûlante. Quand est-ce qu’il va rentrer ? S’il lui a dit au revoir et pas adieu, ça veut bien dire qu’ils vont se recroiser. La migraine commence et scie ses tempes. Ses paumes frottent inlassablement ses jambes, les marques rouges ne le sont qu’à cause de la pression insistante contre son épiderme, néanmoins elle a l’impression de toucher et d’être confrontée au sang de Tyler et des autres, de toutes les autres victimes.
Une heure entière s’écoule où Stéphanie se demande si sa pote n’a pas décidé d’en finir sous le poids d’un stress incontrôlable et inconnu. Il n’en est rien et le soulagement se lit dans son sourire bienveillant. Une phrase avortée, coupée par un J’ai déjà mangé, et elle a tout recraché.
Bonne nuit, demain je travaille jusqu’à dix-huit heures, m’attends pas pour manger je serai en retard.
Le sous-entendu est clair, Téva va rêvasser et sûrement se chercher de quoi enterrer les flashbacks. Son dealer a reçu son sms et prépare déjà sa commande.
Assise sur son lit, le sèche-cheveux camoufle les miaulements du chat de la vieille d’en-bas. La fois où elle s’est retrouvée dehors était pas mal, ça la ferait rire si elle en avait la force pour. Tyler l’avait aidée et il lui avait même passé son pull, tandis qu’aujourd’hui il l’avait défendue contre les assaillants. Quelle stupide idée d’avoir le syndrome du sauveur, comme si elle méritait qu’on la sauve coûte que coûte. Pour quelle satisfaction autre que masochiste, on voudrait se jeter dans la gueule du loup pour protéger une simple connaissance.
Il en a l’habitude. L’extrait de journal l’a raconté.
Dans le réconfort de sa chambre, elle finit de se sécher les cheveux et retrouve de la vivacité pour s’adonner à quelques recherches ne menant à rien. Les mots clés lui manquent, un mot clé en particulier qui ne lui viendra que le lendemain autour de son premier café de la journée. La fusillade de 2045, commise par celui qu’on appelle A.. Le A de l’article qu’elle n’avait pas su comprendre. Le nombre de morts et l’état incertain du treizième.
Un doliprane est de mise après sa lecture.
Ce serait mentir que de prétendre ne pas avoir surveillé le mouvement des volets de l’appartement à sa gauche, sa proximité avec son balcon agit comme une malédiction parce qu’elle le voit plus que quiconque qu’il n’est toujours pas de retour.
Même son ignorance et son silence qui n’ajoutent rien à la conversation lui manquent.
Non, elle sera responsable et n’ira pas lui rendre visite.
Tant pis.
Tant pis pour tout ce qu’elle ressent.
Tant mieux pour tout le monde.
Et pour lui.
Sa coloc parle de cris dû à des terreurs nocturnes, la nuit elle entendrait Téva hurler et la concernée jure crier uniquement dans ses cauchemars, ne se rendant pas compte que sa peur dépasse les frontières du sommeil.
Un jour se subit, un deuxième s’endure, un troisième se construit et allongée la tête touchant presque le sol, les oreilles en alerte avec le coeur tambourinant. Téva se relève et va pour une course inutile du style vérifier pour la sixième fois de l’heure s’il y a du courrier. L’ascenseur lui est en horreur, les escaliers ont une apparence plus sécurisante car on peut s’enfuir si un mal nous poursuit contrairement à cette cage en métal.
Évidemment qu’il n’y a pas de lettres si ce n’est de la pub, un prospectus sur les soldes d’été sur les produits ménagers occupera assez son esprit le temps d’une heure ou deux.
Les annonces placardées sur le mur proche des portes de cet ascenseur maudit l’interpellent, elle songe à changer de boulot et postuler pour une librairie du coin serait idéal - adieu le café, adieu Ducky les riches.
Alors happée dans le déchiffrage des compétences demandées, une ombre arrive, on sent rapidement quand on est plus seul dans un lieu - c’est dingue à quel point la jeune femme en a pris conscience. Son visage se tourne, crispé et c’est Tyler. Bonjour, pas bonjour ? La panique s'enlise dans son comportement et elle baisse la tête comme honteuse de ces retrouvailles hasardeuses.
Promis, elle ne prévoit pas de pleurer, pas devant lui.
L’heure importe peu, une fois la porte fermée en douceur derrière elle - tout bruit brusque et un peu trop fort l’effrayait au plus haut point - Téva s’en va s’enfermer dans la salle de bain pour vomir les pommes mangées au pied du lit d’hôpital. Les mains de part et d’autre de la cuvette empêchent les mèches de tomber dans les toilettes. Elle n’est pas ébranlée par l’action, le regard vide sur le blanc des murs et son jogging trempé, en prenant appui pour se relever, elle est prise d’un vertige et s’arrête un moment pour permettre à sa tension de remonter.
La voix de son amie est entendue derrière les murs, cette intonation inquiète tue tout de suite, elle n’en peut plus des attentions compatissantes. Peut-être qu’elle a pas l’étoffe d’une starlette et de sa dose de fans qui irait avec. Tev se brosse les dents que par obligation, l’envie réelle lui manque et seule l’eau chaude lui procure une sensation de paix et de propreté. Le calme imaginaire du bruit de l’eau recouvrant les sons extérieurs. La télévision, les chansons des chaînes musicales, les voisins qui rentrent chez eux. Sa tête se relève et ses yeux s’ouvrent sous la pluie brûlante. Quand est-ce qu’il va rentrer ? S’il lui a dit au revoir et pas adieu, ça veut bien dire qu’ils vont se recroiser. La migraine commence et scie ses tempes. Ses paumes frottent inlassablement ses jambes, les marques rouges ne le sont qu’à cause de la pression insistante contre son épiderme, néanmoins elle a l’impression de toucher et d’être confrontée au sang de Tyler et des autres, de toutes les autres victimes.
Une heure entière s’écoule où Stéphanie se demande si sa pote n’a pas décidé d’en finir sous le poids d’un stress incontrôlable et inconnu. Il n’en est rien et le soulagement se lit dans son sourire bienveillant. Une phrase avortée, coupée par un J’ai déjà mangé, et elle a tout recraché.
Bonne nuit, demain je travaille jusqu’à dix-huit heures, m’attends pas pour manger je serai en retard.
Le sous-entendu est clair, Téva va rêvasser et sûrement se chercher de quoi enterrer les flashbacks. Son dealer a reçu son sms et prépare déjà sa commande.
Assise sur son lit, le sèche-cheveux camoufle les miaulements du chat de la vieille d’en-bas. La fois où elle s’est retrouvée dehors était pas mal, ça la ferait rire si elle en avait la force pour. Tyler l’avait aidée et il lui avait même passé son pull, tandis qu’aujourd’hui il l’avait défendue contre les assaillants. Quelle stupide idée d’avoir le syndrome du sauveur, comme si elle méritait qu’on la sauve coûte que coûte. Pour quelle satisfaction autre que masochiste, on voudrait se jeter dans la gueule du loup pour protéger une simple connaissance.
Il en a l’habitude. L’extrait de journal l’a raconté.
Dans le réconfort de sa chambre, elle finit de se sécher les cheveux et retrouve de la vivacité pour s’adonner à quelques recherches ne menant à rien. Les mots clés lui manquent, un mot clé en particulier qui ne lui viendra que le lendemain autour de son premier café de la journée. La fusillade de 2045, commise par celui qu’on appelle A.. Le A de l’article qu’elle n’avait pas su comprendre. Le nombre de morts et l’état incertain du treizième.
Un doliprane est de mise après sa lecture.
Ce serait mentir que de prétendre ne pas avoir surveillé le mouvement des volets de l’appartement à sa gauche, sa proximité avec son balcon agit comme une malédiction parce qu’elle le voit plus que quiconque qu’il n’est toujours pas de retour.
Même son ignorance et son silence qui n’ajoutent rien à la conversation lui manquent.
Non, elle sera responsable et n’ira pas lui rendre visite.
Tant pis.
Tant pis pour tout ce qu’elle ressent.
Tant mieux pour tout le monde.
Et pour lui.
Sa coloc parle de cris dû à des terreurs nocturnes, la nuit elle entendrait Téva hurler et la concernée jure crier uniquement dans ses cauchemars, ne se rendant pas compte que sa peur dépasse les frontières du sommeil.
Un jour se subit, un deuxième s’endure, un troisième se construit et allongée la tête touchant presque le sol, les oreilles en alerte avec le coeur tambourinant. Téva se relève et va pour une course inutile du style vérifier pour la sixième fois de l’heure s’il y a du courrier. L’ascenseur lui est en horreur, les escaliers ont une apparence plus sécurisante car on peut s’enfuir si un mal nous poursuit contrairement à cette cage en métal.
Évidemment qu’il n’y a pas de lettres si ce n’est de la pub, un prospectus sur les soldes d’été sur les produits ménagers occupera assez son esprit le temps d’une heure ou deux.
Les annonces placardées sur le mur proche des portes de cet ascenseur maudit l’interpellent, elle songe à changer de boulot et postuler pour une librairie du coin serait idéal - adieu le café, adieu Ducky les riches.
Alors happée dans le déchiffrage des compétences demandées, une ombre arrive, on sent rapidement quand on est plus seul dans un lieu - c’est dingue à quel point la jeune femme en a pris conscience. Son visage se tourne, crispé et c’est Tyler. Bonjour, pas bonjour ? La panique s'enlise dans son comportement et elle baisse la tête comme honteuse de ces retrouvailles hasardeuses.
Promis, elle ne prévoit pas de pleurer, pas devant lui.
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Accalmie
Avec SibbanE Téva
Oh. Thompson, lui aussi, n'avait pas envie d'être là.
L'ombre était là, oui. Toujours aussi sombre, aussi mince et longue. Pourtant, il n'y avait plus de posture droite et dédaigneuse pour maintenir les autres éloignés. Tyler était affaibli, épuisé, la douleur dans son flanc s'étirait à chaque fois qu'il inspirait. Sur son dos, une veste plus lourde que lui. D'un noir profond et neuf, sans éffilochage, et surtout, avec une autre odeur dans les tissus. Son ombre fut suivi d'une autre, plus petite et massive.
Son père entra à sa suite, sans un mot, l'air gêné.
Quand Thompson releva la tête, et qu'il remarqua SibbanE, on le vit froncer les sourcils. Son père se glissa entre lui et la porte d'un pas vif, un peu maladroit. Il était loin du monstre l'ayant autrefois terrorisé enfant.
« Ah bonjour, mademoiselle. »
Sa voix était grave, et grannuleuse. On sentait les accents virils dans le poids des mots, on sentait qu'il pouvait rugir à tout moment s'il était contrarié. Et pourtant, en présence de son fils, il montrait un autre visage. Conscient qu'il avait encore failli le perdre.
Difficile à dire que tous les deux partageaient le même sang. Tyler avait la peau mate des Premières Nations, le cheveu noir et les yeux foncés. Son père avait le regard clair, habillé de quelques mèches brunes et grisonnantes, comme sa barbe de trois jours, rugueuse. Il était plus marge d'épaule, ses cuisses étaient épaisses, et un air bourru caché sous des bottes militaires. Il avait le visage gonflé, des cernes et son sourire était paternel.
« Bonjour. »
Pourtant, comme Tyler, Greg avait la même rudesse dans les prunelles. Des chats ne font pas de chien.
Aussitôt, Tyler s'écarta de son père, tandis que celui-ci s'approchait de l'ascenseur pour l'appeler. Suivi d'un long silence gênant, où Greg tentait de faire la discussion : il fait meilleur aujourd'hui, tu as vu ? Attention, ne va pas te blesser.
Ironique pour celui qui avait manqué de l'éborgner.
Pourtant, sans un regard vers lui, ni vers Téva, Tyler se dirigea vers l'escalier. Un pas après l'autre, en retenant toute expression douloureuse. Son père l'avait dressé à ne jamais se plaindre, ni à exprimer ses besoins.
L'ombre était là, oui. Toujours aussi sombre, aussi mince et longue. Pourtant, il n'y avait plus de posture droite et dédaigneuse pour maintenir les autres éloignés. Tyler était affaibli, épuisé, la douleur dans son flanc s'étirait à chaque fois qu'il inspirait. Sur son dos, une veste plus lourde que lui. D'un noir profond et neuf, sans éffilochage, et surtout, avec une autre odeur dans les tissus. Son ombre fut suivi d'une autre, plus petite et massive.
Son père entra à sa suite, sans un mot, l'air gêné.
Quand Thompson releva la tête, et qu'il remarqua SibbanE, on le vit froncer les sourcils. Son père se glissa entre lui et la porte d'un pas vif, un peu maladroit. Il était loin du monstre l'ayant autrefois terrorisé enfant.
« Ah bonjour, mademoiselle. »
Sa voix était grave, et grannuleuse. On sentait les accents virils dans le poids des mots, on sentait qu'il pouvait rugir à tout moment s'il était contrarié. Et pourtant, en présence de son fils, il montrait un autre visage. Conscient qu'il avait encore failli le perdre.
Difficile à dire que tous les deux partageaient le même sang. Tyler avait la peau mate des Premières Nations, le cheveu noir et les yeux foncés. Son père avait le regard clair, habillé de quelques mèches brunes et grisonnantes, comme sa barbe de trois jours, rugueuse. Il était plus marge d'épaule, ses cuisses étaient épaisses, et un air bourru caché sous des bottes militaires. Il avait le visage gonflé, des cernes et son sourire était paternel.
« Bonjour. »
Pourtant, comme Tyler, Greg avait la même rudesse dans les prunelles. Des chats ne font pas de chien.
Aussitôt, Tyler s'écarta de son père, tandis que celui-ci s'approchait de l'ascenseur pour l'appeler. Suivi d'un long silence gênant, où Greg tentait de faire la discussion : il fait meilleur aujourd'hui, tu as vu ? Attention, ne va pas te blesser.
Ironique pour celui qui avait manqué de l'éborgner.
Pourtant, sans un regard vers lui, ni vers Téva, Tyler se dirigea vers l'escalier. Un pas après l'autre, en retenant toute expression douloureuse. Son père l'avait dressé à ne jamais se plaindre, ni à exprimer ses besoins.
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Les larmes sont arrêtées net.
C’est Tyler.
Et pas que Tyler.
Pas que lui.
Son regard se suspend sur la silhouette le précédent. Elle n’a aucune idée de qui il s’agit, en premier lieu il a l’air d’être le propriétaire d’un des appartements. Pas le sien en tout cas, c’est un petit vieux pervers. Puis, la lumière s’allume petit à petit à deux-trois étages pour commencer.
Ils n’ont rien en commun physiquement parlant, leur style vestimentaire et leur intonation cependant sont ressemblants. Son bonjour est glacial pourtant ce n’est pas tellement vrai, on peut y percevoir de la chaleur, mais Téva ne saurait expliquer pourquoi cela la fige dans le silence. Le bonjour du garde-chasse la réveille. Bonjour oui. On dirait qu’ils ne se connaissent pas.
Enfin, le connaît-elle vraiment. L’article racontait un événement particulièrement atroce et personne n’aimerait sans souvenir au point de garder une trace dans son portefeuille. Voilà un sujet qui sera impensable à aborder.
Tyler a l’air au bout de sa vie à juste titre, difficile même pour lui d’être remis sur pied aussi vite. Il aurait du rester plus longtemps pense-t-elle, pourtant le coeur est léger de le revoir. Il sera à un mur d’elle, bien que davantage inaccessible. Voilà une réalité préférable à celle de ne pas le savoir près.
L’homme l’accompagnant, Tev a du mal à poser le mot de père tant il survient de nulle part, appelle l’ascenseur et elle se redresse mettant un point final à sa lecture. Cela sera pour un autre jour. Et elle ne sait pas trop comment faire comprendre sans paraître insultante qu’elle ne compte pas monter dedans. La gorge pâteuse, des mots se forment et sont dits alors que ses pas la dirigent déjà vers les escaliers. Bonne journée, au revoir. L’épreuve fut laborieuse et la lenteur de Tyler la bloque derrière lui.
Est-ce que ça l’intéresse de savoir qu’elle est contente de le revoir ? Elle est horrible, même dans le pire des moments elle ne pense qu’à ses propres sentiments. Le coeur redevient lourd, il lui fait mal et chaque marche la rapproche de lui de par sa rapidité à arriver à bon port, et inconsciemment avant son père.
La publicité en main est broyée par la nervosité, puis libérée par une illumination.
Son autre main l’interpelle doucement en lui tirant la manche. Tyler, attendez avant que j’oublie. Elle le lâche et poursuit, Je n’ai pas utilisé toute votre argent pour le taxi, je dois vous rendre le reste. Tâtant ses poches, naïvement elle laisse filtrer que si elle avait su qu’il revenait aujourd’hui, elle aurait pu anticiper. Dans aucun monde il ne l’aurait contacté pour lui transmettre une information de la sorte. L'incongruité est telle qu’elle en rigole doucement. Cela fait longtemps qu’elle n’a pas quitté son expression vide, creusée par la fatigue et l’inquiétude.
Je peux passer après, plus tard-, quand-...vous me dites. Téva babulte, hésite jusqu’à verbaliser leur lien familial craignant intérieurement qu’il lui fasse un reproche, bien qu’elle ne soit pas à un rejet près.
Vous allez mieux ? C’est plus fort qu’elle.
C’est Tyler.
Et pas que Tyler.
Pas que lui.
Son regard se suspend sur la silhouette le précédent. Elle n’a aucune idée de qui il s’agit, en premier lieu il a l’air d’être le propriétaire d’un des appartements. Pas le sien en tout cas, c’est un petit vieux pervers. Puis, la lumière s’allume petit à petit à deux-trois étages pour commencer.
Ils n’ont rien en commun physiquement parlant, leur style vestimentaire et leur intonation cependant sont ressemblants. Son bonjour est glacial pourtant ce n’est pas tellement vrai, on peut y percevoir de la chaleur, mais Téva ne saurait expliquer pourquoi cela la fige dans le silence. Le bonjour du garde-chasse la réveille. Bonjour oui. On dirait qu’ils ne se connaissent pas.
Enfin, le connaît-elle vraiment. L’article racontait un événement particulièrement atroce et personne n’aimerait sans souvenir au point de garder une trace dans son portefeuille. Voilà un sujet qui sera impensable à aborder.
Tyler a l’air au bout de sa vie à juste titre, difficile même pour lui d’être remis sur pied aussi vite. Il aurait du rester plus longtemps pense-t-elle, pourtant le coeur est léger de le revoir. Il sera à un mur d’elle, bien que davantage inaccessible. Voilà une réalité préférable à celle de ne pas le savoir près.
L’homme l’accompagnant, Tev a du mal à poser le mot de père tant il survient de nulle part, appelle l’ascenseur et elle se redresse mettant un point final à sa lecture. Cela sera pour un autre jour. Et elle ne sait pas trop comment faire comprendre sans paraître insultante qu’elle ne compte pas monter dedans. La gorge pâteuse, des mots se forment et sont dits alors que ses pas la dirigent déjà vers les escaliers. Bonne journée, au revoir. L’épreuve fut laborieuse et la lenteur de Tyler la bloque derrière lui.
Est-ce que ça l’intéresse de savoir qu’elle est contente de le revoir ? Elle est horrible, même dans le pire des moments elle ne pense qu’à ses propres sentiments. Le coeur redevient lourd, il lui fait mal et chaque marche la rapproche de lui de par sa rapidité à arriver à bon port, et inconsciemment avant son père.
La publicité en main est broyée par la nervosité, puis libérée par une illumination.
Son autre main l’interpelle doucement en lui tirant la manche. Tyler, attendez avant que j’oublie. Elle le lâche et poursuit, Je n’ai pas utilisé toute votre argent pour le taxi, je dois vous rendre le reste. Tâtant ses poches, naïvement elle laisse filtrer que si elle avait su qu’il revenait aujourd’hui, elle aurait pu anticiper. Dans aucun monde il ne l’aurait contacté pour lui transmettre une information de la sorte. L'incongruité est telle qu’elle en rigole doucement. Cela fait longtemps qu’elle n’a pas quitté son expression vide, creusée par la fatigue et l’inquiétude.
Je peux passer après, plus tard-, quand-...vous me dites. Téva babulte, hésite jusqu’à verbaliser leur lien familial craignant intérieurement qu’il lui fasse un reproche, bien qu’elle ne soit pas à un rejet près.
Vous allez mieux ? C’est plus fort qu’elle.
IRL
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Accalmie
Avec SibbanE Téva
Oh. Thompson, lui aussi, n'avait pas envie d'être là.
Peut-être que la demoiselle ne le voyait pas.
Mais au son produit par la botte, qui s'agitait sur le sol, les soupirs, Tyler sentait que son père s'impatientait. Des gestes, des micros-expressions, l'implicite très tôt appris à comprendre pour adapter son comportement. Ne jamais l'énerver, ne jamais lui faire hausser la voix. Et même si maintenant, il savait qu'il pourrait répliquer si son père levait la main sur lui, et même si depuis ses dix-huit ans, il ne l'avait plus frappé, la tension habitait tous ses muscles.
Et dans ce chaos, où Tyler sentait son cœur battre plus vite dans sa poitrine, où l'hypervigilance glorifiait ses réflexes, SibbanE lui parlait. Alors il se retourna sur elle, dans un mouvement brusque. Son regard afficha sur elle une expression rugueuse, bien plus que d'habitude. La pierre qu'il était, le monolithe d'indifférence, il saignait et suait. Tyler serrait la mâchoire, et ses yeux allaient du visage de la jeune femme à son père. Greg soupira, il tenta un sourire pour lui désigner l'ascenseur.
Peut-être que son bourreau avait changé.
Après tout, n'avait-il pas pleuré lorsqu'il s'était réveillé ?
« Ah. »
Lâcha Tyler, puis il haussa les épaules sans réellement lui offrir de réponses. Greg s'adressa alors à eux deux :
« Allez, viens prendre l'ascenseur. Je suis sûr qu'on peut rentrer à trois haha, une pointe d'humeur ou d'humour pleine de malaise. Dis-moi, fils, qui sonne étranger, une fausse note, c'est ta voisine ? »
Greg avait les oreilles partout, lui aussi ne dormait jamais. Ses sens aiguisés, enlisés par l'alcool. Tyler hocha la tête dans un autre silence, puis il obéit. Sans broncher, il se décala pour laisser SibbanE passer devant lui. Un pied sur la marche, l'autre sur le sol, il se tenait le flanc pour espérer endormir la blessure.
« Allez les jeunes, n'en faîtes pas qu'à votre tête. »
Greg leur afficha un sourire plus large, fatigué par son long voyage jusqu'ici. Après tout, il s'était déplacé dès qu'on lui avait appris la nouvelle - pourquoi diable son travail l'avait appelé ? Putain.
Tyler marcha en direction de son père, et celui-ci posa la main dans son dos. Le premier geste d'affection depuis plus de dix ans, il lança un coup d'œil vers SibbanE, comme pour lui intimer l'ordre de venir prendre l'ascenseur, tout en soufflant à son fils de faire attention.
Rugueux, inquiet, et curieusement tendre.
Peut-être que la demoiselle ne le voyait pas.
Mais au son produit par la botte, qui s'agitait sur le sol, les soupirs, Tyler sentait que son père s'impatientait. Des gestes, des micros-expressions, l'implicite très tôt appris à comprendre pour adapter son comportement. Ne jamais l'énerver, ne jamais lui faire hausser la voix. Et même si maintenant, il savait qu'il pourrait répliquer si son père levait la main sur lui, et même si depuis ses dix-huit ans, il ne l'avait plus frappé, la tension habitait tous ses muscles.
Et dans ce chaos, où Tyler sentait son cœur battre plus vite dans sa poitrine, où l'hypervigilance glorifiait ses réflexes, SibbanE lui parlait. Alors il se retourna sur elle, dans un mouvement brusque. Son regard afficha sur elle une expression rugueuse, bien plus que d'habitude. La pierre qu'il était, le monolithe d'indifférence, il saignait et suait. Tyler serrait la mâchoire, et ses yeux allaient du visage de la jeune femme à son père. Greg soupira, il tenta un sourire pour lui désigner l'ascenseur.
Peut-être que son bourreau avait changé.
Après tout, n'avait-il pas pleuré lorsqu'il s'était réveillé ?
« Ah. »
Lâcha Tyler, puis il haussa les épaules sans réellement lui offrir de réponses. Greg s'adressa alors à eux deux :
« Allez, viens prendre l'ascenseur. Je suis sûr qu'on peut rentrer à trois haha, une pointe d'humeur ou d'humour pleine de malaise. Dis-moi, fils, qui sonne étranger, une fausse note, c'est ta voisine ? »
Greg avait les oreilles partout, lui aussi ne dormait jamais. Ses sens aiguisés, enlisés par l'alcool. Tyler hocha la tête dans un autre silence, puis il obéit. Sans broncher, il se décala pour laisser SibbanE passer devant lui. Un pied sur la marche, l'autre sur le sol, il se tenait le flanc pour espérer endormir la blessure.
« Allez les jeunes, n'en faîtes pas qu'à votre tête. »
Greg leur afficha un sourire plus large, fatigué par son long voyage jusqu'ici. Après tout, il s'était déplacé dès qu'on lui avait appris la nouvelle - pourquoi diable son travail l'avait appelé ? Putain.
Tyler marcha en direction de son père, et celui-ci posa la main dans son dos. Le premier geste d'affection depuis plus de dix ans, il lança un coup d'œil vers SibbanE, comme pour lui intimer l'ordre de venir prendre l'ascenseur, tout en soufflant à son fils de faire attention.
Rugueux, inquiet, et curieusement tendre.
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Après la tempête du magasin, une nouvelle tempête d’un genre inédit ; plus fort et inévitable elle-aussi. Le vent glacial jeté par Tyler était assez suffisant, il faut que son père en rajoute une couche et vient à l’obliger à faire demi-tour pour prendre l’ascenseur. Il en est hors de question, à la surface des yeux de Téva s’éclairent la panique et la volonté nette de fuir.
Un autre jour, un autre moment, elle se serait réjouis qu’il reconnaisse publiquement un détail aussi simple que le fait qu’elle soit sa voisine. Il a même acquiescé sans hésitation.
Le ton paternaliste de Greg lui donne la nausée, elle comprend clairement qu’elle n’y échappera pas et son coeur tambourine fort dans sa cage thoracique, ses mains deviennent moites, sa bouche pâteuse et le monde n’est qu’une succession de scènes floues. Stéphanie a parlé de crise de panique, Tev ne veut pas le reconnaître car elle a trop de problèmes dans sa vie pour en rajouter un de plus. C’est juste un petit trauma de rien du tout, facilement esquivable si on veut bien lui laisser le loisir d’éviter cette fichue cage.
Bon. Le padré ne lâchera pas l’affaire, il aligne tous les signes de l’impatience et aucun prétexte ne sera suffisamment grand et valable pour se tirer de là. Fait chier.
Le sourire n’est pas rendu, les lèvres n’arrivent pas à s’étirer c’est plus fort qu’elle, elle est focalisée sur ce trajet qui la met déjà dans le mal.
Le trousseau de clés de son appartement est martyrisé, parfait souffre-douleur à mesure que le mécanisme s’active et que les portes s’ouvrent.
Le au secours sur son visage est criant, il la terre dans un silence inhabituel, on la penserait introvertie et timide. L’opposée de la réalité, mais les évènements changent une personne, la perturbent et seul le temps permet de renouer avec un quotidien normal.
A y regarder de plus près, son père n’a pas l’air de savoir qu’elle est une des victimes de la fusillade - la raison de sa venue étant évidente. Ses propres parents se sont inquiétés et ont demandé à leur fille de venir leur rendre visite ne pouvant se déplacer. Ils attendent depuis ce dernier appel. Impossible de sortir trop loin de peur de se retrouver coincée dans un nouvel enfer. Ils ne pigent pas jusqu’où s’étend sa frayeur, ce n’est pas si facile de se mêler à la population.
Quand ils sont bloqués à trois dans ce petit carré, la blonde espère disparaître et son reflet l’attire par défaut, unique échappatoire à toute possible discussion. Quelle naïveté. Tyler, plaqué au fond, coupe à moitié la glace. Son regard s'attarde tantôt sur ses cernes à elle, tantôt sur les siennes à lui.
Elle leur laisse le privilège d’appuyer sur le bouton les menant au bon étage, dans sa tête le chaos démarre, les flashbacks s’amusent avec sa brève tranquillité d’esprit, son souffle ne s’accélère pas encore et elle s’efforce de ne pas se faire emporter. L’odeur particulière, la petitesse de l’endroit, le silence assourdissant ; à tout moment quelqu’un l'appelle et va monter avec eux et potentiellement ouvrir le feu.
Pourquoi est-elle descendu, le facteur distribue le courrier une fois le matin et c’est tout, pourquoi, pourquoi, pourquoi.
Pro de cette sortie regrettée : Tyler et l’offre d’emploi.
Con de cette sortie mûrement regrettée : le reste.
Une de ses clés lui rappe le pouce, elle réagit à peine à la douleur, la fixe de sa hauteur et se demande s’il leur reste des pansements dans leur mini-armoire à pharmacie.
Un autre jour, un autre moment, elle se serait réjouis qu’il reconnaisse publiquement un détail aussi simple que le fait qu’elle soit sa voisine. Il a même acquiescé sans hésitation.
Le ton paternaliste de Greg lui donne la nausée, elle comprend clairement qu’elle n’y échappera pas et son coeur tambourine fort dans sa cage thoracique, ses mains deviennent moites, sa bouche pâteuse et le monde n’est qu’une succession de scènes floues. Stéphanie a parlé de crise de panique, Tev ne veut pas le reconnaître car elle a trop de problèmes dans sa vie pour en rajouter un de plus. C’est juste un petit trauma de rien du tout, facilement esquivable si on veut bien lui laisser le loisir d’éviter cette fichue cage.
Bon. Le padré ne lâchera pas l’affaire, il aligne tous les signes de l’impatience et aucun prétexte ne sera suffisamment grand et valable pour se tirer de là. Fait chier.
Le sourire n’est pas rendu, les lèvres n’arrivent pas à s’étirer c’est plus fort qu’elle, elle est focalisée sur ce trajet qui la met déjà dans le mal.
Le trousseau de clés de son appartement est martyrisé, parfait souffre-douleur à mesure que le mécanisme s’active et que les portes s’ouvrent.
Le au secours sur son visage est criant, il la terre dans un silence inhabituel, on la penserait introvertie et timide. L’opposée de la réalité, mais les évènements changent une personne, la perturbent et seul le temps permet de renouer avec un quotidien normal.
A y regarder de plus près, son père n’a pas l’air de savoir qu’elle est une des victimes de la fusillade - la raison de sa venue étant évidente. Ses propres parents se sont inquiétés et ont demandé à leur fille de venir leur rendre visite ne pouvant se déplacer. Ils attendent depuis ce dernier appel. Impossible de sortir trop loin de peur de se retrouver coincée dans un nouvel enfer. Ils ne pigent pas jusqu’où s’étend sa frayeur, ce n’est pas si facile de se mêler à la population.
Quand ils sont bloqués à trois dans ce petit carré, la blonde espère disparaître et son reflet l’attire par défaut, unique échappatoire à toute possible discussion. Quelle naïveté. Tyler, plaqué au fond, coupe à moitié la glace. Son regard s'attarde tantôt sur ses cernes à elle, tantôt sur les siennes à lui.
Elle leur laisse le privilège d’appuyer sur le bouton les menant au bon étage, dans sa tête le chaos démarre, les flashbacks s’amusent avec sa brève tranquillité d’esprit, son souffle ne s’accélère pas encore et elle s’efforce de ne pas se faire emporter. L’odeur particulière, la petitesse de l’endroit, le silence assourdissant ; à tout moment quelqu’un l'appelle et va monter avec eux et potentiellement ouvrir le feu.
Pourquoi est-elle descendu, le facteur distribue le courrier une fois le matin et c’est tout, pourquoi, pourquoi, pourquoi.
Pro de cette sortie regrettée : Tyler et l’offre d’emploi.
Con de cette sortie mûrement regrettée : le reste.
Une de ses clés lui rappe le pouce, elle réagit à peine à la douleur, la fixe de sa hauteur et se demande s’il leur reste des pansements dans leur mini-armoire à pharmacie.
IRL
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Avec SibbanE Téva
Oh. Thompson, lui aussi, n'avait pas envie d'être là.
Thompson voyait les signes de malaise chez sa voisine. SibbanE était tellement expressive qu'il n'était pas difficile de cerner son humeur. Et même lui, son père lui tordait le ventre par sa simple présence. Et pourtant, il se souvenait encore de son réveil, face à ce visage taillé dans la pierre, criblé de larmes. Alors, dans l'ascenseur, l'ambiance était au rendez-vous ; une visite dans les Catacombes de Paris avait plus de dynamisme que ce silence de plomb. L'homme ne parlait quasi jamais, SibbanE avait échangé ses piaillements pour son malaise, et même Greg ne semblait pas savoir comment alimenter la conversation. Les deux minutes du trajet jusqu'à leur étage parurent durer une éternité, même si son père alimenta tant bien que mal la conversation avec des banalités.
Il fait chaud.
Croyez-en mon expérience de garde-chasse, des orages vont revenir.
Tout en laissant Téva passer la première, quand enfin, le « cling » de l'ascenseur sonna et que les portes s'ouvrirent devant eux. Tyler sortit le dernier, l'air toujours aussi désintéressé par l'existence de l'humanité autour de lui - tentaculaires, elle s'étendait sous les portes des appartements, personnifié par le bruit d'une télé trop forte, ou par une odeur de cigarette épaisse émanant du couloir. Greg lança un sourire aux pieds de SibbanE, triste et désolé, presque. Pendant ce temps, le fils cherchait les clefs de son appartement.
C'est juste la voisine.
C'est ce que dira Tyler à son père, en refermant la porte. Sans étayer, sans dire ce qui les liait. Sans dénoncer les regards de SibbanE, sans se rappeler de sa peur et du sang. C'était juste sa voisine. Qu'il pourrait recroiser à loisir, quand il irait fumer sur le balcon, parce que Tyler ne lui permettra pas d'embaucher la pièce avec sa nicotine. Parce que Greg ne dira rien sur la façon dont il avait de vivre - il le savait qu'il n'était pas fait pour une vie coincée entre quatre murs.
Alors il se contenta d'allumer sa Gitanne, de gonfler la poitrine, et d'inspirer la fumée. Greg sentait comme son fils, à part pour le parfum de nicotine. Il avait, sur lui, la flagrance froide et humide de l'Alaska, de la terre séchée sous les ongles. La rugosité du bois et l'humidité de la pierre.
Thompson voyait les signes de malaise chez sa voisine. SibbanE était tellement expressive qu'il n'était pas difficile de cerner son humeur. Et même lui, son père lui tordait le ventre par sa simple présence. Et pourtant, il se souvenait encore de son réveil, face à ce visage taillé dans la pierre, criblé de larmes. Alors, dans l'ascenseur, l'ambiance était au rendez-vous ; une visite dans les Catacombes de Paris avait plus de dynamisme que ce silence de plomb. L'homme ne parlait quasi jamais, SibbanE avait échangé ses piaillements pour son malaise, et même Greg ne semblait pas savoir comment alimenter la conversation. Les deux minutes du trajet jusqu'à leur étage parurent durer une éternité, même si son père alimenta tant bien que mal la conversation avec des banalités.
Il fait chaud.
Croyez-en mon expérience de garde-chasse, des orages vont revenir.
Tout en laissant Téva passer la première, quand enfin, le « cling » de l'ascenseur sonna et que les portes s'ouvrirent devant eux. Tyler sortit le dernier, l'air toujours aussi désintéressé par l'existence de l'humanité autour de lui - tentaculaires, elle s'étendait sous les portes des appartements, personnifié par le bruit d'une télé trop forte, ou par une odeur de cigarette épaisse émanant du couloir. Greg lança un sourire aux pieds de SibbanE, triste et désolé, presque. Pendant ce temps, le fils cherchait les clefs de son appartement.
C'est juste la voisine.
C'est ce que dira Tyler à son père, en refermant la porte. Sans étayer, sans dire ce qui les liait. Sans dénoncer les regards de SibbanE, sans se rappeler de sa peur et du sang. C'était juste sa voisine. Qu'il pourrait recroiser à loisir, quand il irait fumer sur le balcon, parce que Tyler ne lui permettra pas d'embaucher la pièce avec sa nicotine. Parce que Greg ne dira rien sur la façon dont il avait de vivre - il le savait qu'il n'était pas fait pour une vie coincée entre quatre murs.
Alors il se contenta d'allumer sa Gitanne, de gonfler la poitrine, et d'inspirer la fumée. Greg sentait comme son fils, à part pour le parfum de nicotine. Il avait, sur lui, la flagrance froide et humide de l'Alaska, de la terre séchée sous les ongles. La rugosité du bois et l'humidité de la pierre.
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Peut-être que si une fusillade venait à survenir dans cet ascenseur, Téva se jetterait sous le feu des balles pour échapper à cette situation. Son esprit déraille du début jusqu’à la fin de cette interminable ascension. Bien sûr que ni Tyler ni son père aident à ce qu’il ne s’éternise pas. On se croirait dans une caméra cachée et elle jette un coup d’oeil discret au plafond, derrière le miroir en attendant que tout se coupe, s’arrête et qu’on la libère de ce cirque. Mais c’est beau de rêver, surtout éveillée - le soir les cauchemars ne laissent aucune place, ils mangent jusqu’à son dernier neurone et grignotent toute son énergie.
Le son du on est arrivés, ça y est vous pouvez tous respirer retentit, elle en aurait presque les larmes aux yeux.
Elle ne se fait pas prier pour sortir la première, manquant de heurter Greg dans une précipitation qu’on ne connaît d’elle que s’il était question d’être la première collée au bar. Le sourire du paternel la laisse perplexe, elle lui dit au revoir en baissant légèrement la tête et s’engouffre dans son appartement après avoir galéré à l’ouvrir.
Quand sa porte claque fort, son dos se plaque contre et elle respire à nouveau. C’était un trop gros bordel, c’était juste trop pour une de ses rares sorties quotidiennes. Foutue erreur, foutue courrier.
Stéphanie l’appelle, faible réponse à l’autre bout et donc elle panique en croyant que son amie refait une de ses crises de larmes, les silencieuses qu’elle adore camoufler sous le jet de la douche ou sous la couverture. Aller se laver très souvent et se coucher de plus en plus tôt sont devenus rapidement des signes évidents qu’il y eut un trop plein, un réveil de la situation et que cela allait déborder.
Je le déteste. Vraiment. Je suis sérieuse cette fois.
Elle ne lui donne pas raison et pas non plus ne lui rétorque pas qu’elle sait que Téva ment mal ou fait fausse route. Aujourd’hui sa copine décide que c’est tout noir, demain cela pourrait être tout blanc et elle reparlera des bonjour de Tyler et du gars qu’il a tabassé parce qu’il l’avait blessé, puis rebelote le sang, la vie qu’elle aurait du perdre parce qu'à quoi bon.
J’ai vu la fiche de poste.
Ah oui, j’allais t’en parler.
Je verrai.
Ce n’est pas si noir alors.
Je vais dans ma chambre. Pour écouter de la musique.
Le vinyle de Blood Orange Wine de Stela Cole en boucle dans le dix mètre carrés, les pieds collés au mur en commun avec l’appart du garde-chasse, ils tapent dessus pour se vider la tête et pour l’emmerder à sa façon, lui rappeler qu’elle est pas qu’une simple voisine ou si justement, qu’en tant que simple voisine elle faisait bien ce qu’il lui chante. Et s’il est pas content, il a qu’à exprimer son mécontentement. Venir taper à la porte pour demander le calme. Mais Tyler ne le fera pas, vu qu’il adore ne rien dire. Même quand il le faudrait.
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Avec SibbanE Téva
Thompson n'adorait pas ne rien dire. Quand il devait faire une remarque à quelqu'un, celle-ci était une balle en pleine tête. Ne jamais rater sa cible, avec les mots ou sa carabine. S'il avait su ce que SibbanE en pensait de lui, bien sûr qu'il aurait répliqué pour une fois. Au lieu de ça, son esprit était occupé par la présence écrasante de son père. Les reproches qu'il ne lui formulait pas, le silence perturbé par le grincement du plancher. L'absence de réflexions pour son matelas au sol ; Greg avait le loisir de déterminer comment son fils vivait. Et comment son éducation l'avait façonné. S'il posa des questions sur Téva, il ne reçut que son mutisme. S'il montra de l'agacement, Tyler, lui, se contentait de long regard lourd. La peur envers lui s'était dissipée, le jour où il avait abattu un homme de deux balles dans la tête.
Et dans le dos.
Si bien que la musique de SibbanE, résonnant à travers le mur, ce fut la goutte de trop pour Greg. L'indifférence de Tyler, cloitré près de la fenêtre, termina sa patience. L'homme entendit son géniteur claquer la porte au point de faire trembler l'appartement. Un soupir lui échappa.
Greg frappa à la porte.
D'un énorme poing solide, puis il sembla se souvenir qu'il pouvait appuyer sur la sonnette. Ce qu'il fit, trois fois d'un rythme ressemblant à du code Morse. Une vaine tentative de se rendre complice avec Tyler, qui compris le « SOS » sans bouger de sa place.
Greg roula des épaules ; c'était une carrure impressionnante et épaisse, loin de l'aspect filiforme émanant de sa progéniture. Lui, il avait du gras par-dessus son muscle, le ventre gonflé à la bière de mauvaise qualité. Et une barbe de trois jours à faire pâlir un coiffeur. Dans ses sourcils broussailleux, il sortait de lui une dureté propre aux militaires. Pourtant, on pouvait le voir s'efforcer à adoucir ses traits. Notamment parce que face à Téva, il était en représentation.
Personne ne pouvait deviner qu'il avait un jour cassé le bras de son fils.
« Bonsoir mademoiselle, d'une belle voix grave paternaliste. Je suis désolé de vous importuner à nouveau, les mots enjolivés, du papier cadeau entourant leurs pointes acérées. Pouvez-vous baisser la musique ? Puis un regard, une analyse défiant toutes les lois quantiques : tout va bien ? »
Téva avait le visage d'une poupée, et dans le coin de ses yeux, on percevait la fatigue. Par intuition, Greg saisissait le silence abandonné par son fils. Et même si la jeune femme restait une inconnue, une simple voisine, il avait encore assez d'amour paternel pour capter les émotions des autres. Alors peut-être était-il inquiet.
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Au jeu des sept familles, Téva n’en ressort pas victorieuse. Elle invoque le fils, elle obtient le père. C’est bien sa veine, mais ça montre qu’elle le cerne à merveilles. Du moins c’est ce qu’elle pense avec sa fierté qui la rend tout bonnement insupportable.
Cela cogne fort à la porte, Stéphanie regarde dans le judas et n’apprécie pas le visage qui s’y trouve de l’autre côté. Elle accuse à raison sa colocatrice, la sommant de venir régler le problème qu’elle a causé. Le vinyle tourne toujours, il est arrêté par sa pote après qu’elle ait quitté sa chambre d’un air pour le moins désintéressée par l’urgence. Elle se permet même de lâcher des oui, oui, exaspérée comme si le tapage contre le mur n’était pas du tout de son fait.
Bonsoir. Il jette directement un froid, elle revit la scène dans l’ascenseur et a la nausée. Tyler ne s’est vraiment pas bougé, si son cher papa n’était pas en visite, il aurait ainsi supporté ce bruit sans broncher ? Ses poings se serrent, Téva bouillonne. Aaah, la colère enrobe ses mots, le mensonge est grotesque c’était trop fort mince je l’avais pas remarqué, des fois je monte le son et je fais plus attention désolée. C'est dit d’une traite pour se débarrasser de ce moment, l’eau monte, les bulles font bouger le couvercle de sa patience et il suffirait d’un coup mal placé du destin pour faire déborder le tout. Tout va bien.
Non, ce n’était pas prononcé comme ça, plus Tout va bien ?????
Et elle n’aime pas ce ton ni cette question.
Parce que bien sûr que tout ne va pas bien, tout ne peut aller bien, il est con ou quoi.
Il n’y a plus personne pour lui dire de veiller à ce qu’elle compte répondre, et par personne elle parle évidemment de Tyler et de son regard inexpressif, pourtant quand on le croise le message y est toujours limpide.
Non tout va mal, si je vous le dis vous allez y faire quelque chose ? J’crois pas. Un conseil monsieur, le monsieur est glissé avec un sourire, celui adressé à ses professeurs qui rêvaient de l’accrocher au plafond par l’étiquette de son t-shirt de sous-marque, demandez à votre fils où se trouvait sa voisine pendant la fusillade. Et avant qu’il ne trouve une ouverture pour reprendre la parole, Téva referme derrière elle.
S’il toque rouvre pas, ordonne-t-elle à Stéphi avant de sortir sur le balcon pour fumer une cigarette qu’elle galère à rouler.
C’est tout ce que tu mérites Tyler, quand on dit pas les choses les gens le disent à notre place. Va-t-il l’entendre ? Le temps que ses doigts se battent contre le filtre et parviennent à gagner le combat, le verdict tombera.
Cela cogne fort à la porte, Stéphanie regarde dans le judas et n’apprécie pas le visage qui s’y trouve de l’autre côté. Elle accuse à raison sa colocatrice, la sommant de venir régler le problème qu’elle a causé. Le vinyle tourne toujours, il est arrêté par sa pote après qu’elle ait quitté sa chambre d’un air pour le moins désintéressée par l’urgence. Elle se permet même de lâcher des oui, oui, exaspérée comme si le tapage contre le mur n’était pas du tout de son fait.
Bonsoir. Il jette directement un froid, elle revit la scène dans l’ascenseur et a la nausée. Tyler ne s’est vraiment pas bougé, si son cher papa n’était pas en visite, il aurait ainsi supporté ce bruit sans broncher ? Ses poings se serrent, Téva bouillonne. Aaah, la colère enrobe ses mots, le mensonge est grotesque c’était trop fort mince je l’avais pas remarqué, des fois je monte le son et je fais plus attention désolée. C'est dit d’une traite pour se débarrasser de ce moment, l’eau monte, les bulles font bouger le couvercle de sa patience et il suffirait d’un coup mal placé du destin pour faire déborder le tout. Tout va bien.
Non, ce n’était pas prononcé comme ça, plus Tout va bien ?????
Et elle n’aime pas ce ton ni cette question.
Parce que bien sûr que tout ne va pas bien, tout ne peut aller bien, il est con ou quoi.
Il n’y a plus personne pour lui dire de veiller à ce qu’elle compte répondre, et par personne elle parle évidemment de Tyler et de son regard inexpressif, pourtant quand on le croise le message y est toujours limpide.
Non tout va mal, si je vous le dis vous allez y faire quelque chose ? J’crois pas. Un conseil monsieur, le monsieur est glissé avec un sourire, celui adressé à ses professeurs qui rêvaient de l’accrocher au plafond par l’étiquette de son t-shirt de sous-marque, demandez à votre fils où se trouvait sa voisine pendant la fusillade. Et avant qu’il ne trouve une ouverture pour reprendre la parole, Téva referme derrière elle.
S’il toque rouvre pas, ordonne-t-elle à Stéphi avant de sortir sur le balcon pour fumer une cigarette qu’elle galère à rouler.
C’est tout ce que tu mérites Tyler, quand on dit pas les choses les gens le disent à notre place. Va-t-il l’entendre ? Le temps que ses doigts se battent contre le filtre et parviennent à gagner le combat, le verdict tombera.
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Avec SibbanE Téva
Peut-être que Greg regrettait, au fond. De ce qu'il avait fait de son fils. D'un père abusif et alcoolique, il était devenu un inconnu qui ne pouvait qu'encaisser les larmes des autres. Quand Téva s'énerva, il sera la mâchoire. Il n'avait pas réellement d'animosité pour la jeune femme, mais prendre la mesure de son amertume, ce n'était pas agréable. Il tenta un sourire, avant même qu'elle ne renferme la porte de rage. Son visage perdit de sa superbe, et pendant une longue minute, il resta devant la porte.
Ils ne parlaient jamais, ou que très peu. Il se souvenait des coups, des remarques, des insultes, des « ton pote, on dirait une péd* » balancée aux pieds du gamin. Il se souvenait de l'appel de l'école, des sirènes de police, et de l'attente dans le couloir de l'hôpital. Il se rappelait du SMS envoyé pour parler de la tempête, un « je vais bien » glissé en réponse à ses inquiétudes. Si sa collègue ne l'avait pas prévenu, Tyler aurait passé cet évènement sous silence.
Et ce fut sans un mot qu'il s'en retourna dans l'appartement. Il y faisait un peu moite, le linge était en train de sécher. Tyler était à la fenêtre, en train de contempler le vide. Et dès que son père attrapa son briquet, il le somma d'aller fumer dehors.
On ne pouvait pas rattraper les cicatrices dans la peau, on ne pouvait recommencer à zéro. Devenir meilleur. Greg essaya pourtant, il lâcha un « ta voisine m'a raconté ». Tyler ne battit pas même des cils, il ne laissa pas échapper le moindre soupir. Les mains de Greg tremblaient, et il lui annonça qu'il irait dormir à l'hôtel. Il se détourna de son fils, il descendit les escaliers, abandonnant encore une fois ses responsabilités aux pieds de la porte.
Néanmoins, avant de partir, l'homme consentit à fumer. Des regards jetés vers la fenêtre de l'appartement qu'il venait de quitter, la fumée imbibant ses poumons, l'espoir de le voir redescendre et l'entendre enfin lui parler. Les jours suivants se succédèrent, Tyler mettait un point d'honneur à lui démontrer qu'il n'avait pas besoin de lui. Et une nuit, il se contenta de lui signifier qu'il pouvait rentrer chez lui. Sur le pas de la porte, on pouvait percevoir leurs voix s'élever dans le couloir. Greg murmurait, et Tyler répondait d'une voix absente :
Ce n'est rien, je m'en remettrais vite.
Tu es sûr ? Tu peux rentrer avec moi ?
Je suis sûr, et non.
Et la voisine ?
Quoi la voisine ?
Tu devrais lui parler. Elle semble en avoir besoin.
Je verrais.
C'est une brave fille.
Si tu le dis.
Si tu le dis.
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Personne ne sonne, ne toque, ne cherche à entrer en contact avec elle. Et Greg n’est pas celui qu’elle voudrait sentir derrière la porte ou proche sur le balcon d’à côté. Son amie panique un peu, ne prétend pas ne pas savoir d’où cette rage tire son origine, elle ne le sait que trop bien. Tu devrais lâcher l’affaire qu’elle lui a répété, plusieurs fois et bien avant toute cette histoire de fusillade. Mais elle est butée, elle est déjà beaucoup trop investie et cela se répercute totalement sur ses nerfs ainsi que sa patience. Dès que Tyler ne lui accorde pas ce qui relève de la simple interaction, la jeune femme passe à ça d’exploser.
Autant dire que la tuerie n’aide plus du tout à accepter un silence qui réussit à peser si lourd sur son esprit, ça y est, elle oscille entre l’ignorer comme il l’ignore sans regret et sans considération, et le provoquer une bonne fois pour toute quitte à en venir aux mains. Non, stop, arrêtons tout de suite. Il va l’arrêter dans son geste, ce coup de poing venu s’écraser contre sa mâchoire - on fait ce qu’on peut avec cette différence de taille -, et il n’aura qu’un regard indifférent, le retour de son mutisme insupportable.
Quand Tyler sort pour fumer, Téva ne tient pas plus de cinq minutes et rentre à l’intérieur la colère compressant son ventre et sa poitrine. Son père planté en bas de l’immeuble lui ferait presque pitié.
Demain elle appellera la bibliothèque et tentera sa chance au lieu d’aller voir le psychologue dont le numéro a été gentiment écrit sur un bout de papier par un médecin. "Il faut vous libérer de ce drame", qu’ils se la ferment, son vrai drame ne se situe pas dans la supérette. Ressasser l'événement ne lui servira à rien, les morts ne reviendront pas parmi les vivants, le sang va disparaître de sur sa peau et sa robe a été jetée dans la première poubelle croisée sur la route.
A quoi ça sert de vivre une telle souffrance avec une autre personne quand celle-ci préfère faire sa vie plutôt que discuter. Peut-être que son âme de sauveur de ses dames aurait mieux dû la laisser mourir avec les victimes.
Le lendemain matin a le visage de l’enfer sur Terre, elle a appelé à huit heures tapantes avec seulement quatre heures de sommeil dans les dents. Tout ce que Téva rêve est un miracle pour la sauver de ce cercle vicieux. Et l’univers l’entend, on lui demande de joindre un cv dans l’heure et on programme un entretien dans deux jours - le patron est en vacances, vous comprenez. Ce qu’elle a envie de pleurer alors que la dame n’a toujours pas raccroché.
Stéphi la serre fort dans ses bras en rentrant du travail, les larmes de la blonde lui mouillent toute l’épaule. Vas-y, faut que ça sorte, lui murmure-t-elle en lui tapotant tendrement le dos.
Pour se donner le maximum de chances, elle descend arracher l’annonce. Il est hors de question qu’on lui vole cette précieuse chance.
L’affiche broyée entre ses doigts reçoit toute sa haine contenue depuis des jours voire plus. Ce hall d’entrée lui crève le coeur, ces portes d’ascenseur la font vomir, ces escaliers pareil, chaque marche est une épreuve et un douloureux rappel qu’il s’en fout de beaucoup trop de choses.
Parce qu’il a l’habitude, parce qu’il ne voit pas le problème, parce qu’il n’a jamais fait l’effort de changer - pourquoi changer ? -, toutes les raisons nourrissent son malheur.
Il vaut mieux qu’elle ne croise pas son chemin en fait.
Sa main tâte sa poche arrière de son jean à la recherche de ses clés pour ouvrir sa boîte aux lettres et sortir la pub, les factures et enfin une lettre de ses parents. Ils ne la feront pas chialer encore une fois. Son visage se cache derrière, elle se bat contre la menace de ses larmes prêtes à couler. Il faudrait vraiment penser à consulter, mais ça ouvrirait d’autres plaies et c'est un refus net.
Autant dire que la tuerie n’aide plus du tout à accepter un silence qui réussit à peser si lourd sur son esprit, ça y est, elle oscille entre l’ignorer comme il l’ignore sans regret et sans considération, et le provoquer une bonne fois pour toute quitte à en venir aux mains. Non, stop, arrêtons tout de suite. Il va l’arrêter dans son geste, ce coup de poing venu s’écraser contre sa mâchoire - on fait ce qu’on peut avec cette différence de taille -, et il n’aura qu’un regard indifférent, le retour de son mutisme insupportable.
Quand Tyler sort pour fumer, Téva ne tient pas plus de cinq minutes et rentre à l’intérieur la colère compressant son ventre et sa poitrine. Son père planté en bas de l’immeuble lui ferait presque pitié.
Demain elle appellera la bibliothèque et tentera sa chance au lieu d’aller voir le psychologue dont le numéro a été gentiment écrit sur un bout de papier par un médecin. "Il faut vous libérer de ce drame", qu’ils se la ferment, son vrai drame ne se situe pas dans la supérette. Ressasser l'événement ne lui servira à rien, les morts ne reviendront pas parmi les vivants, le sang va disparaître de sur sa peau et sa robe a été jetée dans la première poubelle croisée sur la route.
A quoi ça sert de vivre une telle souffrance avec une autre personne quand celle-ci préfère faire sa vie plutôt que discuter. Peut-être que son âme de sauveur de ses dames aurait mieux dû la laisser mourir avec les victimes.
Le lendemain matin a le visage de l’enfer sur Terre, elle a appelé à huit heures tapantes avec seulement quatre heures de sommeil dans les dents. Tout ce que Téva rêve est un miracle pour la sauver de ce cercle vicieux. Et l’univers l’entend, on lui demande de joindre un cv dans l’heure et on programme un entretien dans deux jours - le patron est en vacances, vous comprenez. Ce qu’elle a envie de pleurer alors que la dame n’a toujours pas raccroché.
Stéphi la serre fort dans ses bras en rentrant du travail, les larmes de la blonde lui mouillent toute l’épaule. Vas-y, faut que ça sorte, lui murmure-t-elle en lui tapotant tendrement le dos.
Pour se donner le maximum de chances, elle descend arracher l’annonce. Il est hors de question qu’on lui vole cette précieuse chance.
L’affiche broyée entre ses doigts reçoit toute sa haine contenue depuis des jours voire plus. Ce hall d’entrée lui crève le coeur, ces portes d’ascenseur la font vomir, ces escaliers pareil, chaque marche est une épreuve et un douloureux rappel qu’il s’en fout de beaucoup trop de choses.
Parce qu’il a l’habitude, parce qu’il ne voit pas le problème, parce qu’il n’a jamais fait l’effort de changer - pourquoi changer ? -, toutes les raisons nourrissent son malheur.
Il vaut mieux qu’elle ne croise pas son chemin en fait.
Sa main tâte sa poche arrière de son jean à la recherche de ses clés pour ouvrir sa boîte aux lettres et sortir la pub, les factures et enfin une lettre de ses parents. Ils ne la feront pas chialer encore une fois. Son visage se cache derrière, elle se bat contre la menace de ses larmes prêtes à couler. Il faudrait vraiment penser à consulter, mais ça ouvrirait d’autres plaies et c'est un refus net.
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Avec SibbanE Téva
Si tu le dis.
Le silence de l'appartement, les journées passées à tourner en rond. La faiblesse de son corps pour lui rappeler ce qu'il s'est passé. La douleur constante, et les cicatrices qui en découleront. Tyler n'avait jamais porté d'attention à son apparence. Dans la bouche des autres enfants, ses origines autochtones le rendaient particulièrement laid. Le racisme décomplexé avait glissé sur lui, telle l'eau sur la roche. Pourtant, ça lui avait donné un certain dégoût de la superficialité. Il n'avait pas besoin d'être beau, il devait être fonctionnel avant tout.
Enfant, il se rappelait encore des coups.
De la lame qui manque son œil de peu.
La chair abîmée, le visage dur et froid. Le manque d'expressivité, le robot. Qu'importe les surnoms. Le résultat était le même : seul chez lui, l'ennui frappait à sa porte. Comme un animal en cage, Tyler faisait les cent pas. Dans ses errances en ville, il avait repéré un parc de street work out. Quitte à s'ennuyer, autant le faire à l'extérieur. Son pas claqua dans les marches, le bois se plaignait sous son poids. Plus lent que d'habitude, Tyler descendit.
La silhouette de Téva apparu alors. Pareille aux autres fois, étrangement familière dans le couloir. Toujours furieuse et émotive, la jeune fille restait pour lui une enfant.
Si tu le dis.
La voisine.
Tyler serra la mâchoire, son corps se tendit. Puis un pas après l'autre, il se rapprocha sans un bruit. Les clefs en main, il s'arrêta devant sa boîte aux lettres. Derrière SibbanE, il fixa les prospectus par-dessus son épaule, puis il se décala sur le côté pour chercher son propre courrier.
Toujours à la fixer de haut.
Juge, diront les mauvaises langues.
Gardien pour celles et ceux qui le connaissaient vraiment.